“Farrebique”: 70 Years of FIPRESCI in Cannes
70 Years Already
“Farrebique” by George Rouquier (1946)
FIPRESCI, the International Federation of Film Critics, is proud to announce the unique anniversary of its presence at the Cannes Film Festival. In 1946, the International Critics decided to compose a jury presided by the British film critic Dilys Powell and to give an award during the very first Cannes Film Festival.
The award split into two, one went to a movie officially selected: “Brief Encounter” by David Lean, the other to a movie the Festival had refused and the critics managed to invite in a first manner of the future “off” sections to come: “Farrebique” by Georges Rouquier.
70 years later, the FIPRESCI still gives awards during the Cannes Film Festival (and many other places). 70 years later, “Farrebique” has not lost one drop of its strength and beauty, and its screening in a brand new restored copy in the official selection “Cannes Classics” is a strong gesture towards a movie that has made its way to take a place and keep it in the history of cinema.
La FIPRESCI, la Fédération Internationale de la Presse Cinématographique, est fière d’annoncer l’anniversaire unique de sa présence au Festival de Cannes. En 1946, la Critique Internationale décida de créer un Jury sous la présidence de la critique britannique Dilys Powell, afin de remettre un prix durant le tout premier Festival de Cannes.
En fait il y en eut deux: l’un à “Brève Rencontre” de David Lean, présenté dans la Sélection Officielle, l’autre à un film non retenu par le Festival et que les journalistes firent en sorte de projeter en marge de la sélection, préfigurant ainsi les sections parallèles à venir: “Farrebique” de Georges Rouquier.
70 ans plus tard, la FIPRESCI remet toujours des prix pendant le Festival de Cannes (et bien d’autres encore); 70 ans plus tard, “Farrebique” n’a rien perdu de sa force ni de sa beauté, et sa présentation en copie restaurée dans la Sélection Officielle “Cannes Classics” est la reconnaissance absolue d’un film qui a trouvé et gardé sa place dans l’histoire du cinéma.
Jean-Georges Auriol, 1947
“(…) Suivant le tempérament naturel de l’artiste français médiéval ou moderne, la tendance de Rouquier est intimiste. Quelques mots murmurés, en patois ou non, une pensée lisible sur un visage ouvert, une oreille tendue vers quelque indice espéré ou redouté sont parmi les notations d’une mélodie dont le lyrisme est plus souvent celui, contenu, du chat qui ronronne dans la cendre chaude plutôt que celui du coq et du paon qui s’égosillent.
Observateur avec le raffinement d’un romancier et la patience d’un enlumineur, capteur d’instants plutôt que brosseur de tableaux à effets, armé à la fois contre l’emphase et la vulgarité, Rouquier possède encore un don rare: le don d’amour. Il aime, et il aime – presque trop généreusement – montrer ce qu’il aime: les hommes et «toutes les créatures» et «sœur notre mère Terre…, qui produit divers fruits, avec des fleurs et de l’herbe» … Français par nature, à la fois paysan patient, ouvrier ingénieux, causeur chaleureux, styliste sensuel …, fort de tout cela et de sa faible science, Georges Rouquier est seulement comparable à des maîtres de races différentes qu’il doit d’ailleurs admirer: Flaherty, Ivens, Dovjenko.”
” (…) Following his natural temperament as a French artist, whether medieval or modern, Rouquier’s cinema has a propensity for intimacy. A few muttered words, in dialect or not, a thought grown legible on an open face, an ear listening to some expected or dreaded sign: these are amongst the elements of a melody, whose lyricism is often muted, more like the cat purring in the warm ashes than the screeching rooster or peacock.
An observer endowed with the refinement of a writer and the patience of an illuminator, capturing instants rather than brushing pictures with prominent effects, armed against both emphasis and vulgarity, Rouquier has yet another rare gift: that of love. He loves and loves – almost too generously – showing what he loves: men and “all the other creatures” and “our sister-mother Earth… which gives the many fruits, and flowers and grass”… Utterly French, both a patient peasant and an ingenious worker, a warm talker and a sensual stylist, George Rouquier made the most of those qualities and of his gentle science. He is only to be compared to the great masters of different backgrounds he might have admired: Flaherty, Ivens, Dovjenko.”
Jean-Georges Auriol, in “La Revue du Cinéma” n°4, Janvier 1947 / January 1947
Derek Malcolm, 2016
Most people think that the critic’s chief job is to report on the latest films put before the public. But it is equally important to remind cinemagoers the short history of cinema. This is what FIPRESCI, the International Federation of Film Critics, has always tried to do. In a period when the theatrical audience for films is substantially younger than it was when the family audience held sway, the task of informing the young about the cinema’s heritage becomes more and more important. The ignorance that often prevails is depressing in the extreme.
That is why I am happy to celebrate Georges Rouquier’s “Farrebique”, a documentary made in black and white in 1946, which still manages after all these years to be included in many lists of the ten most innovative documentaries ever made. Amazingly, it was Rouquier’s first feature and came as a necessary corrective to the often flimsy escapism of the French cinema during the German Occupation.
Its view of the world was both naturalistic and poetic as the film traces the four seasons and the work and lives of farmers deep in the French countryside. We see a grandfather’s death and the birth of a baby, the ploughing and harvesting, a way of life as hard as it was fulfilling. The pageant of the seasons was all important in these simple people’s lives. While being affirmative, Farrebique is never sentimental and, while often simplicity itself, it is never naive. Yes, it subscribes to Petain’s ideology of “work, family and fatherland”. But if it is linked to the Occupation years, it also pushes past the stern barriers of the time.
You can watch the film now and note its occasional lack of sophistication and even political awareness of a world beyond its confines. But it still works brilliantly on the senses. It makes you believe in these people and the microcosm they live in, commanded by a nature that is in turn kind and cruel. Rouquier is not like Visconti and his film is not like “La terra trema”. Nor does the comparison with the praised British school of documentary and Flaherty hold up. “Farrebique” is a unique film made with love and skill, and no one studying the documentary form should fail to see it. Unlike many observational films made now, it allows you to think your own thoughts. The film whispers rather than shouts. It has been copied many times but remains proudly its inimitable self.
La plupart des gens pensent que la mission principale du critique de cinéma est de rendre compte des dernières sorties. Mais il est également essentiel de sensibiliser les spectateurs aux grands moments jalonnant la courte histoire du Septième Art. C’est justement ce que la FIPRESCI, la Fédération Internationale de la Presse Cinématographique, s’est toujours efforcée de faire. Les habitudes changent, on va de moins en moins au cinéma en famille, et le public rajeunit sensiblement. Il devient d’autant plus important de savoir transmettre un héritage cinématographique aux nouveaux spectateurs. On constate trop souvent un niveau d’ignorance particulièrement déprimant.
C’est pourquoi je suis heureux de célébrer “Farrebique” de Georges Rouquier, un documentaire en noir et blanc de 1946, qui, encore aujourd’hui, est régulièrement cité parmi les dix documentaires les plus innovants de toute l’histoire du cinéma. Fait étonnant, c’était le premier long métrage de Rouquier, réalisé comme un contrepoint nécessaire au cinéma de divertissement derrière lequel la France se voilait la face pendant l’Occupation allemande.
Dans une vision du monde à la fois naturaliste et poétique, le film suit, à travers les quatre saisons, les travaux et les jours de fermiers de la campagne profonde en France. On y voit la mort d’un grand-père et la naissance d’un bébé, les labours et la récolte, un mode de vie aussi éprouvant que gratifiant. La succession des saisons est d’une importance capitale dans la vie de ces hommes et ces femmes. “Farrebique” affirme son propos sans jamais céder au sentimentalisme. Il est simple, jamais naïf. Certes, il souscrit à l’idéologie pétainiste “travail, famille, patrie”. Mais au-delà du contexte de l’Occupation, il a su transcender les obstacles du temps.
En regardant le film aujourd’hui, on peut parfois regretter un certain manque de sophistication ponctuel, et une absence de conscience politique au-delà des limites du monde traité. Mais il agit à merveille sur les sens. Nous croyons en ces gens et à leur microcosme, régi par une nature tour à tour douce et cruelle. Rouquier ne ressemble pas à Visconti et son film ne ressemble pas à “La terre tremble”. De même, la comparaison avec le fameux modèle britannique du documentaire et Flaherty, ne tient pas. “Farrebique” est un film unique, fait d’amour et de virtuosité, et il devrait être vu par tous ceux qui s’intéressent au genre. Contrairement à la plupart des documentaires actuels, il permet de laisser libre cours à ses propres pensées. Le film murmure plus qu’il ne crie. Souvent copié, il demeure fièrement seul, unique, et inimitable.
Derek Malcolm, Président Honoraire de la FIPRESCI, 15 avril 2016
Honorary President of FIPRESCI, 15th of April 2016
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